Ce sont les résultats d’une enquête inédite menée dans 72 rédactions à travers le monde que publie Polis, le think thank en journalisme de London School of Economics and Political Science (LSE). Un rapport de 111 pages détaille la manière dont l’intelligence artificielle est aujourd’hui envisagée dans le monde du journalisme. Il est signé Charlie Beckett, professeur à la LSE.
La plupart des répondants (116) sont des experts en technologies ou ce que l’on peut appeler des « adoptants précoces » des technologies d’intelligence artificielle. Seuls 6% occupent un rôle spécifiquement lié à l’intelligence artificielle. Les technologies qui y sont liées couvrent pratiquement tous les aspects de la chaîne de production journalistique. Pour autant, tous n’estiment pas que l’IA soit le terme le plus approprié : « Habituellement, nous n’utilisons pas ce terme mais des termes plus précis tels que machine learning ou NLP, quand il s’agit du traitement de la langue. IA, c’est un ‘buzzword’ pour nous ».
Les rédactions qui ont recours à l’IA justifient son usage pour rendre le travail journalistique plus efficace (68%), délivrer des contenus plus pertinents à leurs audiences (45%) et pour améliorer l’efficacité du business (18%). Toutefois, les coûts engendrés par ces technologies, de même que les résistances culturelles (craintes de perte d’emploi, changement d’habitudes de travail et hostilité plus générale à l’encontre des technologies) constituent des freins à leur développement. Une autre préoccupation porte sur l’inégalité grandissante entre les entreprises de petite et de grande taille, où seules les secondes disposent des ressources nécessaires pour la mise en œuvre de ces technologies. Le manque de connaissance de ce qu’est l’intelligence artificielles ainsi que le manque de perspectives managériales sont également deux problématiques épinglées.
Les dangers relatifs à l’utilisation de technologies de l’IA sont notamment liés aux biais des algorithmes, pouvant conduire à une information déséquilibrée, et à la création de « bulles de filtres », dans le cadre de stratégies de personnalisation de contenus. Le rôle des sociétés tech désormais dans les processus de production éditoriaux est également épinglé : si elles détiennent un savoir-faire technologique, elles se posent aussi en concurrentes des entreprises médiatiques. Leur manque de transparence leur est également reproché. Par ailleurs, elles ne comprennent pas toujours bien ce qu’est le journalisme et quelles sont les difficultés rencontrées dans ce secteur. Le développement de l’IA dans les médias implique, dès lors, davantage de responsabilités d’ordre éditorial et éthique, indique le rapport.
Les perspectives de développement de l’IA sont celles de la formation et des compétences spécifiques qu’il conviendrait de développer. Par ailleurs, le document souligne les nécessaires collaborations entre les médias et les universités, en tant qu’opportunités, que ce soit en termes de recherche et développement, qu’en termes de formations.
Bien que les problématiques soulevées dans ce rapport fassent l’objet de recherches académiques depuis plusieurs années (Diakopoulos, Linden, Latar, Waddell, Graefe, etc.), celles-ci résonnent dans l’ensemble de ces travaux, tout en y apportant des arguments empiriques enrichissants et inédits.
Cliquer ici pour accéder au rapport « New powers, new responsabilities »