Pour Paul Bradshaw, journaliste, professeur invité à la School of journalism of London, les algorithmes ne posent pas d’autre choix que des choix éditoriaux, qui ont toujours existé dans le journalisme. Dès lors, des règles éthiques différenciées se justifieraient-elles ? Quels sont les enjeux des interactions entre algorithmes et journalisme ?
Extraits de l’interview réalisée dans le cadre du mémoire @maSTICulb (propos recueillis via e-mail le 11/08/2014, version originale à lire sur Onlinejournalismblog.com).
Les questions éthiques sont-elles différentes dans la pratique du journalisme computationnel et du journalisme « traditionnel » ?
Paul Bradshaw : Non, je ne pense pas particulièrement – pas plus que l’éthique en journalisme diffère de celle de la vie en général. Cependant, comme dans le journalisme et dans la vie, il y a des zones qui attirent plus d’attention parce que l’on y trouve le plus de conflits entre les différentes exigences éthiques. Par exemple, la tension entre l’intérêt public et le droit d’un individu à la vie privée est une question éthique générale dans le journalisme, mais qui a une pertinence particulière dans le journalisme de données, lorsque vous vous trouvez face à des données qui nomment des individus.
Les interactions entre information et algorithmes soulèvent-elles de nouvelles questions éthiques ?
P.B. : Je pense qu’ils soulèvent les mêmes questions éthiques que n’importe quel choix éditorial. Nous devons nous rappeler que les algorithmes sont créés par des humains. Les algorithmes de Google et Facebook font tous deux des choix éditorial en priorisant, d’une certaine manière (et avec d’autres facteurs), le contenu frais, juste comme le font les sites d’information. Nous devrions donc y appliquer le même cadre éthique. (…) Le journalisme a toujours fonctionné avec des algorithmes : la recherche a montré que les processus utilisés pour localiser et accéder aux sources comportent leurs propres biais. C’est bon de voir que, d’une certaine manière, nous sommes contraints de réfléchir davantage à la manière dont ces processus sont programmés.
Les codes de déontologie intègrent-ils suffisamment cette dimension technologique ?
P.B. : Vous suggérez l’éthique comme une sorte de code prescriptif gravé dans le marbre. Je ne partage pas cette vision. Il existe trois écoles de l’éthique à considérer : l’école qui porte sur sa propre pratique (’éthique de la vertu’) ; l’école qui porte sur ce qui cause moins de tort (’l’éthique téléologique’) ; et l’école des droits et des devoirs (’éthique déontologique’). En tant que journaliste nous négocions tous les trois. Dans ce sens, l’éthique s’adresse déjà aux pratiques technologiques.