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Journalisme, technologie et nouveaux hybrides

Laurence Dierickx

2019-05-24

Depuis le début des années 2000 et l’avènement d’internet dans les rédactions, les journalistes sont encouragés à se saisir des outils technologiques que ce soit pour satisfaire des objectifs de convergence, ou pour développer un travail journalistique spécifique s’inscrivant dans le champ du journalisme de données. Il s’agit de pratiques exigeantes en temps, mais aussi en compétences. Aussi, certaines rédactions mobilisent-elles des équipes incluant des journalistes mais aussi des statisticiens, des concepteurs numériques, des analystes de données ou des développeurs.

Selon une enquête réalisée en 2017 par l’International Center For Journalists (ICFJ), auprès de plus 2.000 journalistes de 130 pays, 5% des rédactions emploient du personnel diplômé en technologie dont seulement 9% est également diplômé en journalisme ou en communication. Cela témoigne du fait que les journalistes ne présentent pas forcément une appétence particulière pour l’univers technologique alors que dans certains pays, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni, plusieurs cursus approfondissent davantage les aspects liés au développement web ou à la programmation informatique. Objectif :   doter les futurs journalistes de super-pouvoirs qui feront peut-être la différence sur un marché de l’emploi de plus en plus précaire et saturé. Mais ce n’est pas le seul argument mis en avant pour justifier la mise en place de tels programmes : de plus en plus, les journalistes seront amenés à travailler avec des designers ou des informaticiens. Comprendre la manière dont ils fonctionnent permet de meilleurs échanges, de meilleures collaborations.

Les productions journalistiques numériques ne sont donc pas toujours le fait d’employés en interne. Et, de plus en plus d’entreprises technologiques proposent leurs services aux rédactions, qu’elles soient actives dans le domaine du développement d’applications interactives, dans celui de la production automatisée d’informations ou, plus largement, dans celui des technologies de l’intelligence artificielle. Dans ces start-ups, on n’y emploie pas toujours des journalistes mais des designers, des informaticiens, des linguistes… On n’y travaille d’ailleurs pas toujours pour des clients média – même s’ils sont les plus visibles – pas plus que l’on ne s’y définit comme étant un média, voire que l’on y estime faire acte de journalisme… alors qu’elles se retrouvent en plein cœur d’un processus éditorial.

La définition du terme « journalisme » est multifacettes. Elle se rapporte tant aux activités destinées à produire une information, peu importe son mode de diffusion, qu’à une profession caractérisée par un ensemble de valeurs et de pratiques. Mais dès lors que l’on considère que ces nouveaux acteurs participent à la chaîne de production de l’information, on ne peut les envisager sous le seul prisme du monde de la technologie. Une logique éditoriale « classique » est caractérisée par une succession de choix. Dès lors qu’un choix est posé, il ne peut être considéré comme neutre. Cela implique un savoir et un savoir-faire qui ne relèvent pas du seul domaine de la technique.

Dans le contexte de la production automatisée d’informations, le chercheur italien Matteo Monti a récemment suggéré que les pratiques des programmeurs qui font partie du nouveau monde technologique du journalisme soient balisées par un code de déontologie spécifique : compte tenu de leur rôle de plus en plus important dans les médias d’informations, « il est nécessaire de réfléchir aux formes de responsabilité éthique et à la responsabilité juridique des programmeurs », écrit-il.

Dans la perspective de collaborations fructueuses, il est important que chacun puisse comprendre le métier de l’autre, ses logiques et contraintes. Il s’agit aussi d’encadrer des pratiques éthiques et responsables. S’il est admis que les journalistes doivent faire des pas vers le monde de la technologie, l’inverse apparaît comme étant aussi vrai.

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