Les software studies désignent un mouvement hétérogène qui s’est développé aux Etats-Unis au début des années 2000. Il est hétérogène car ses domaines d’application sont aussi variés que sont les interfaces des logiciels, les jeux vidéo, le web, les nouveaux médias et la culture informatique. Il entend étudier la manière dont les logiciels sont intégrés dans la culture et la société contemporaine, en adoptant une vision pluridisciplinaire, à la croisée des sciences sociales, des sciences de l’informatique et des arts graphiques.
Les software studies « cherchent à créer une compréhension élargie de code qui s’étend bien au-delà de la technique. Elles proposent des critiques culturelles et théoriques sur la manière dont le monde lui-même est capturé dans le code, en termes de potentiel algorithmique et formel des descriptions de données » [1].
Lev Manovich, instigateur de ces théories, souligne qu’il se trouve toujours un humain derrière tout code informatique : un programmeur en fixe les règles et procédures, lesquelles sont embarquées dans un structure économique et sociale qui imposent leurs prérogatives dans l’implémentation du hardware et du software [2].
L’appellation software studies est apparue pour la première fois dans « The language of new media » [3], publié en anglais en 2001. Lev Manovich, son auteur (1960), présente un profil transdisciplinaire : il a étudié en Russie l’informatique, l’art et l’architecture ; matières qu’il enseigne aux Etats-Unis depuis les années 1990. Il y défend l’idée que « l’informatisation de la culture ne conduit pas seulement à l’apparition de nouvelles formes culturelles, comme les jeux vidéo et les mondes virtuels, elle modifie également des formes existantes ». Il postule également que l’ordinateur, en tant que « machine médiatique » modélise le monde ; et que les bases de données informatique structurent notre expérience du monde dans la manière dont elles le représentent.
Plusieurs chercheurs ont contribué à ce courant théorique et expérimental : Adrian MacKenzie [4], qui dispose que le logiciel ne pourrait être compris autrement que par le code, lequel renvoie à une pratique technique et culturelle – il s’agirait selon lui de la seule approche possible du logiciel – ; Mattew Fuller [5], qui propose une méthode d’étude du logiciel, à la fois processus et objet social, à travers ses différents composants ; Kitchin et Dodge [6], qui soulignent le paradoxe du code comme objet invisible produisant des effets visibles. Ces différents auteurs convergent sur le fait que le code informatique est à comprendre en fonction des enjeux qu’il véhicule. La question est donc de savoir quel humain se trouve « à l’intérieur ».
Pour Manovich, un autre enjeu consiste à articuler récit et bases de données, deux composantes qui s’affronteraient sur le terrain des médias modernes car les bases de données se trouvent elles aussi au cœur des processus de création. Mais une base de données ne pourrait pas vivre, culturellement parlant, sans code informatique, ce code qui donne lieu à la « matérialisation » des interfaces, fenêtres ouvertes sur le monde qu’elles représentent.
Références
[1] Zook Matthew. How does software make space? Exploring some geographical dimensions of pervasive computing and software studies. 2009.
[3] Manovich Lev. Le langage des nouveaux médias. Perceptions (Dijon). Les Presses du réel, 2010.
[2] Lev Manovich. Software Takes Command. International Texts in Critical Media Aesthetics. Bloomsbury Academic, 2013.
[4] MacKenzie Adrian. Cutting Code : Software and Sociality. Digital formations. Peter Lang, 2006.
[5] Fuller Matthew. Software Studies : A Lexicon. EBSCO ebook academic collection. Mass., 2008.
[6] Kitchin Rob and Martin Marti, Dodge. Code/space : Software and everyday life. Software Studies. MIT Press, 2011.
Voir aussi : https://ohmybox.info//tag/software-studies/