Les algorithmes régissent le monde et pas seulement virtuel, s’emploie à démontrer Christopher Steiner, ingénieur américain, dans « Automate this. How algorithms came to rule our world » (non traduit). Dans le même temps, il met en garde contre les dangers de contrôle sur la société. Un algorithme, qui consiste en une suite finie d’instructions destinée à résoudre un problème, « se comporte généralement tel qu’il a été conçu », écrit-il. « Mais sans supervision, les algorithmes peuvent faire d’étranges choses. Si nous plaçons de plus en plus de notre monde sous le contrôle de ceux-ci, nous pouvons perdre la piste de qui – ou quoi – est en train de tirer les ficelles (…) Les mathématiques rendent possibles tous ces algorithmes qui envahissent et qui contrôlent presque nos vies (…) Plus les algorithmes gagnent en pouvoir et en indépendance, plus leurs conséquences peuvent devenir imprévisibles. »
Les algorithmes dans l’histoire
Si la « révolution algorithmique » s’est développée à Wall Street, avec pour objectif d’optimiser les opérations de trading, l’auteur rappelle que l’on doit le mot « algorithme » à un mathématicien perse du IXe siècle, Abu Abdullah Muhammad ibn Mus Al-Khwarizmi. Ce concept de « calcul automatique » est toutefois apparu bien des siècles plus tôt, dans la Vallée de l’Euphrate : des tablettes datées de 2.500 AJC illustrent une méthode de répartition des récoltes en fonction d’un nombre variable d’individus. Et l’algorithme du mathématicien grec Euclide (circa 300 AJC) est toujours utilisé aujourd’hui dans des opérations de cryptage de données. La formule de cet algorithme, qui fut conçu pour trouver le plus grand commun diviseur entre deux nombres (pgcd), est d’abord mathématique : pgcd (a,b) = pgcd (a,b%b).
Gottfried Leibniz, philosophe et scientifique allemand (1646-1713), posa quant à lui les bases de l’algorithmique moderne en stipulant que la pensée cognitive et la logique pouvaient être réduites à une série d’expressions binaires. En 1680, la loi des grands nombres de Jacques Bernoulli consistait en un calcul de probabilités, dans le cadre d’un processus itératif. Au XIXe siècle, Carl Friedrich Gauss, un autre mathématicien allemand, développa des équations « prédictives » encore utilisées aujourd’hui, notamment dans le cadre d’analyses statistiques (régression linéaire). Son contemporain, le britannique Georges Boole développa l’algèbre binaire, à la base de l’informatique.
Rapidité et fiabilité
Début 2000, les algorithmes, traduits en code, sont utilisés pour réguler les marchés, prédire des tendances ou élaborer des stratégies commerciales. Ils sont présents dans tous les secteurs de la société : l’économie, la médecine, le droit,… Même s’ils peuvent aussi être source d’aberrations, ces algorithmes seraient bien plus rapides et fiables qu’un être humain. Christopher Steiner cite, pour illustrer son propos, le seul accident impliquant une voiture Google : il s’est produit en août 2011, lorsqu’un être humain a pris le contrôle du véhicule. La robotisation gagne aussi le monde de la presse : les robots de la société américaine Narrative Science transforment des statistiques en articles clairs et grammaticalement corrects en moins de temps qu’un journaliste.
« Il va y avoir beaucoup de travail pour ceux qui sont capables de coder, conclut l’auteur. Si vous pouvez également concevoir et composer un algorithme complexe, le meilleur, vous êtes juste capable de prendre le monde. »
L.D.
Christopher Steiner. « Automate this. How algorithms came to rule our world », Portfolio/Penguin, 2012, 248pp.