Depuis la deuxième moitié du 19e siècle – époque qui coïncide avec celle de l’invention de la rotative, par l’américain Richard Hoe –, les artistes se sont emparés du journal d’abord comme objet puis comme matériau et comme sujet.
A l’instar des journalistes, ne témoignent-ils pas de leur époque ? A travers leurs œuvres, n’interrogent-ils pas la complexité d’un monde qu’ils « éditorialisent » ? Les points de rencontre entre la presse et l’art sont bien plus nombreux qu’il y paraît. En témoigne l’exposition « Art and press » (sous-titrée « Art. Vérité. Réalité ») qui présentait, jusqu’au 24 juin 2012 à Berlin, le travail de 56 artistes contemporains internationaux.
L’histoire de la relation entre la presse et l’art commence par des représentations de scènes de la vie quotidienne : « Le portrait du père lisant l’Evénement » de Paul Cézanne (1866) ou « Claude Monet lisant un journal » de Pierre-Auguste Renoir (1872). Les impressionnistes ne furent pas les seuls à s’emparer du médium qui, dans le même temps, gagnait en popularité : quelques années plus tard, les futuristes (dont le manifeste fut publié à la Une du Figaro le 20 février 1909), les cubistes, puis les dadaïstes l’intégrèrent dans leurs compositions (Picasso, Braque, Gris, Grosz).
L’information et sa représentation
Si le journal fut aussi utilisé dans des collages et des photomontages, ce n’est qu’à partir des années 1950 que l’on observe les artistes se l’approprier véritablement : « Rebus » de Robert Rauschenberg (1955), « 4 the news » de Jasper Johns (1962). Quelques années plus tard, l’Allemand Joseph Beuys en fit même un outil légitimant le récit de sa vie, elle-même construite entre fiction et réalité.
Dans les années 1960, le regard des artistes se déplaça sur le contenu du journal : l’information et sa représentation. « Avant les médias, il y avait une limite physique à l’espace qu’une personne pouvait occuper toute seule« , écrira Andy Wharol dans son traité de philosophie publié en 1975, après avoir réalisé plusieurs œuvres à partir de photos d’accidents (Five Deaths et Ambulance Distaster, 1963). L’exposition « Art and press » débute à cette époque et montre comment, jusqu’à aujourd’hui, les artistes se sont progressivement mis à questionner tant le rôle de la presse dans notre société que la nature même de l’information.
Les œuvres présentées constituent ainsi une forme de mise en abyme, avec à l’affiche parmi les noms les plus prestigieux de l’art contemporain international : Christian Boltanski, Marlène Dumas, Gilbert & George, Damien Hirst, Gerhard Richter… L’artiste belge Luc Tuymans y présente un travail construit autour de la réalité de l’image.
L’exposition « Art and press » s’accompagne d’un catalogue (en allemand) dans lequel sont développés les différents thèmes abordés à travers cette multiplicité de postures artistiques.
(L.D.)
• Site web : http://www.artandpress.de
[Article initialement publié sur le site de l’AJP, le 24/04/2012]