Aux Etats-Unis, aucun nouvel emploi n’a été créé depuis le début du 21e siècle et la tendance générale est au déclin du travail. Le constat tranche avec la représentation mentale que l’on a ici, en Europe, du « rêve américain ». Pour Martin Ford, entrepreneur à la Silicon Valley, l’automatisation et la robotisation du travail humain font partie des causes principales d’un phénomène qui n’est pas prêt de s’inverser. Dans « Rise of the robots : technology and the threat of jobless future » (non traduit), il dénonce les effets pervers de l’accélération des développements technologiques.
Si les machines ont permis de faire gagner en temps (et donc en rentabilité) aux entreprises, elles ne sont pas que de simples outils : elles sont, à leur tour, devenues des travailleurs, taillables et corvéables à merci. En outre, certaines d’entre elles bénéficient des nombreux progrès enregistrés dans le domaine de l’intelligence artificielle (technologies de machine learning et de deep learning). Avec des machines de plus en plus intelligentes, dépassant les capacités cognitives de l’humain, c’est une disruption de la civilisation entière qu’il faudrait craindre.
L’automatisation, souligne Ford, n’est pas seulement une menace pour les travailleurs les moins qualifiés. « La situation a changé, même les travailleurs les plus qualifiés sont menacés », prévient-il. L’acquisition de nouvelles connaissances ne va pas nécessairement protéger les travailleurs. Pour Martin Ford, qui s’appuie sur des données chiffrées qu’il replace dans une perspective historique, les jeunes diplômés en font déjà les frais. Toutefois, la technologie n’est pas la seule coupable, reconnaît-il, en épinglant trois autres facteurs à prendre en considération : la globalisation, la croissance du secteur financier et le déclin du travail organisé.
Manuel ou intellectuel : aucun type de travail à l’abri
Des pans entiers de l’activité économique sont concernés par ce glissement de l’emploi de l’humain vers les machines. La menace vise autant l’ouvrier que l’avocat, le scientifique ou le journaliste. « La technologie va remplacer une large fraction de la force de travail et va conduire à un chômage structurel », prédit-il. Couplé à des inégalités dont la tendance est elle aussi à l’augmentation, la réduction du nombre d’emplois annonce une facture bien lourde pour un système basé sur la consommation. Sans revenus, comment acheter ces nombreux biens et services produits par l’économie de marché ?
Pour s’en sortir, l’auteur plaide pour la piste du revenu universel garanti. « Ce n’est pas sans inconvénients et sans risques », estime Martin Ford ; d’autant que d’importants obstacles politiques et psychologiques seraient à lever pour la mettre en œuvre. Et de conclure que le plus grand défi de notre époque est celui de construire un avenir qui offre à la fois sécurité et prospérité.
L.D.
Martin Ford. “Rise of the robots : technology and the threat of jobless future”, Basic Books, 2015, 288 pp.